Recherches Artistiques

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« Le théâtre, par le moyen du masque, du costume, de l’artifice, rend possible ce que la réalité ne peut se permettre. Il n’est pas fait pour créer une vie meilleure, une vie dans laquelle rien ne se passe, une vie plus grande ou plus petite, mais pour produire autre chose : des événements d’une nature tout à fait différente qui ne se produisent que dans l’imaginaire. Tant que la scène se donne pour un autre lieu que celui qu’elle est réellement, que l’acteur se donne pour un autre, il se créera une perspective de l’imaginaire.

Se pose alors la question de l’adhésion des spectateurices à la fiction.
De leur crédulité, parce qu’il s’agit ici de croire plus que d’adhérer.

C’est dans cette brèche qu’une dispute sur l’illusion théâtrale éclate, car elle reposerait sur des « effets de réel », ce que je cherche, précisément, à réfuter. Il s’agit de dénouer le songe bourgeois, qui a, depuis le XVIIIème siècle, été à l’origine de cette dispute.

Les conventions théâtrales, le style, l'esthétique ; la valeur accordée aux costumes, aux images débordantes et spectaculaires ; sont autant de moyens et de ruses pour tordre le cou au naturalisme. Tout ce que la représentation opère en distanciation, entre l’action scénique et la réalité, est notre territoire de jeu, permettant à l’illusion de s’étendre.

Ce que nous cherchons à opérer, par la scène, est de nature à ne plus faire entendre le « principe de réalité » comme matériau à la fabrique de l’illusion. Nous cherchons à nous faire un jeu de la représentation, en utilisant sciemment les artifices, l’emphase ou encore le travestissement comme des outils pour inventer un ailleurs. Afin de permettre à chacun de se raconter, par la catharsis, le rêve et l’imaginaire

Il nous est fondamental de dire que l’illusion peut aussi être « liée à l’espérance de la découverte d’un ‘’terrain’’ vierge qui porterait les germes d’une réalité autre », pour reprendre les mots de Bernard Dort.

Il faut entendre par là, la représentation d’un univers, empruntant ici et là quelques éléments à la réalité mais qui, par la complicité de l’acteur, renvoie le spectateur à une autre réalité que ce dernier doit découvrir. Ces quelques éléments empruntés au réel peuvent aussi être des signes expressifs ou abstraits, visant à rendre compte de l’image que l’être humain se fait de son combat avec lui-même, de son combat avec le monde. Une dernière précision semble cependant s’imposer à notre désir de théâtre : cet univers, empruntant au réel, se déploie sur une scène qui se donne pour telle, sur laquelle l’acteur endosse, affronte et se joue des traditions, créant ainsi une complicité avec le spectateur et éveillant chez lui un plaisir du jeu — au sens de la machine théâtrale et totale, la machine à jouer.

L’imitation de la réalité au théâtre a toujours été, même quand on ne s’en doutait pas, pure affaire de convention. Alors si le « faire plus réel » a donné au terme illusion toute sa tiédeur, rendons-lui toute sa saveur : pure affaire de convention. »

Sacha Vilmar